Créé en 2008, le Prix Levallois soutient et accompagne des photographes de moins de 35 ans de toutes nationalités. Tous les projets sont bienvenus : le Prix n’impose ni thème ni format, seule la qualité de l’écriture compte dans la sélection des artistes.
Une dizaine de photographes finalistes sont choisis par les directeurs artistiques pour être présentés et défendus en toute impartialité et bienveillance devant un jury composé de personnalités du monde de la photographie et de l’Adjoint au Maire délégué à la Culture de Levallois.
Seront élus le/la Lauréat(e) du Prix qui reçoit une dotation de 10 000 € et la Mention Spéciale à qui est offert un boîtier numérique.
Le Prix du Public est décerné par les amateurs de photographie qui choisiront leur candidat favori sur le site selon la règle d’un clic par jour.
Autre belle récompense pour les trois lauréats : la conception avec l’aide des directeurs artistiques d’une exposition présentée dans les Salons d'Honneur de l'Hôtel de Ville et à la Galerie de l’Escale de Levallois.
Les Lauréats 2020
Prix Levallois
Lionel Jusseret entrouvre discrètement des mondes qui nous sont inaccessibles : celui de l’autisme et de l’enfance. Point de vérités ou de certitudes ; du respect, du silence, une distance juste qui nous dépose au coeur d’un monde où nos repères ne sont plus opérants. Une lumière et sa couleur qui enveloppent sans décrire, pour augmenter le trouble de notre perception. La succession des photographies déstabilise, établit un tremblement de sensations qui incite à des allers et retours dans les images, pour vérifier ce qui vacille et crée un sentiment de vertige des évidences. Les regards, les attitudes, la torsion des corps, nous mettent en alerte, là se découvre et se trace les échos diffractés qui nous séparent de ces enfants et de leur imaginaire. Lionel Jusseret, dans une recherche longue et attentive, confirme qu’être photographe c’est s’approprier le monde et non pas le retranscrire.
Mention Spéciale
Stanislava Novgorodtseva parcourt ce qui a construit ses perceptions : la Crimée et son histoire complexe deviennent le décor d’une fiction intime. Elle découpe et accumule des scènes de vie où la solitude et une désuétude mélancolique se côtoient. L’ensemble construit une vision kaléidoscopique de la mythologie de cette péninsule : les gens deviennent des personnages, ils sont les acteurs de cette fiction. La couleur et la lumière sont également des figures du récit, chaque prise de vue arrête et suspend des temps chargés de détails apparemment sans lien mais qui, au fil des photographies, plantent le décor. Une calme inquiétude traverse et lie ces images qui murmurent en filigrane la situation culturelle et politique complexe de de cette terre à l’appartenance contestée.
[Intégrée à l’Ukraine en 1954 par un décret du parti communiste, la Crimée reste sous le giron ukrainien à la chute de l’URSS. En mars 2014, elle devient sujet de la Fédération de Russie à la suite d’un référendum.]
Prix du Public
Işık Kaya emploie la photographie pour engranger et réaliser une typologie des antennes relais transformées en artéfact d’arbre. Son choix de photographier ces totems de la communication en lumière artificielle aux heures bleues entre chien et loup, et souvent de manière fragmentée, souligne le factice et le ridicule de ces camouflages. Ici l’énonciation et la dénonciation se côtoient dans une proposition où les photographies servent un propos sociologique.
Les mots de la marraine du Prix Levallois, Jane Evelyn Atwoord, à propos de Lionel Jusseret - Prix Levallois 2020
Dans ces images, les enfants depuis leur univers à eux, où nous n'arrivons pas à pénétrer, nous interpellent avec une sorte de folie douce.
Qu'est-ce qu'ils entendent de nous?
Quelque chose ?
Qu’est-ce qu’ils comprennent..?
On les voit, capturés avec la sensibilité bien définie du jeune photographe Lionel Jusseret, on les voit dans leurs pensées, ils sont troubles, peut-être même torturés. On entend une certaine peur, on le voit, mais on l'entend aussi, parce que, souvent, ces images sont si fortes que le sonore dépasse le visuel. On voit la peur qu'ils doivent avoir eux-mêmes d'une incompréhension de leur état, de leur propre confusion, et la peur de nous autres qui ne les comprenons pas du tout et qui avons peur d'eux, parfois...
L'ambiance établie dès le début de cette sélection d'images est constante à travers les photos des enfants aussi bien que dans les photos de paysage, des paysages qui fonctionnent ici comme des parenthèses, des ponctuations, des temps de pause dans des phrases faites d’images. C'est un vrai langage de photo, un vrai langage d'image, et avec cette sensibilité spécifique et personnelle, un vrai travail d'auteur.
Lionel Jusseret est habité par son sujet. Il n'est pas à côté en train de le prendre en photo. Mais malgré cet engagement intime et complet, la qualité de la création n'est pas évacuée mais prise en compte complètement.
On voudrait prendre ces enfants dans nos bras, les consoler, les protéger. C'est à cause de l'émotion qui émane d’eux, ici si bien saisie par le photographe, Lionel Jusseret, qui nous fait connaître un peu mieux ces petits personnages si singuliers, ces enfants dits "autistes" dont lui n’a pas eu peur.
2020 : En quelques mots
Record absolu ! 948 candidatures, 38% de plus qu’en 2019. Cela dit combien ce Prix, sans droit d’inscription et bien doté, a gagné en notoriété. 77 nationalités, 1/3 de Français, 2/3 d’étrangers, une quasi égalité femme/ homme que l’on retrouve dans le choix des 15 finalistes.
Merci à tous ces candidats qui nous ont fait voyager en plein confinement grâce à leurs images !
À noter pour la première fois la présence de 8 anciens finalistes, ce qui prouve la fidélité des photographes à ce Prix dont 2 sont à nouveau en lice.
Une sélection plus contemplative avec des images intériorisées dont émanent un certain silence, une gravité.
Nous espérons que vous aurez à coeur de découvrir ces 15 talents prometteurs dont le plus jeune a 19 ans.
Visite virtuelle : Exposition Les Lauréats 2020
2019 : En quelques mots
"Le Prix Levallois 2019 confirme son statut international : 670 candidats issus de 77 nationalités (France 278, Russie 68, Iran 50, Italie 21…) avec une parité presque parfaite ! Après la vision de plus de 10 000 photographies, nous avons choisi 15 photographes (8 femmes, 7 hommes). Ils viennent de différents pays : la France (3), la Russie (3), l’Italie (2), l’Iran (2), l’Inde (1), le Mexique (1), le Costa Rica (1), la Belgique (1) et le Royaume-Uni (1).
Comme pour la sélection 2018, nous avons été très attentifs à respecter les grandes tendances des dossiers reçus. Ce nouveau cru confirme la domination du documentaire avec parfois le sentiment que seul le sujet compte — comme si celui-ci se suffisait à lui-même ! Mais aussi beaucoup de portraits et d’autoportraits, de natures mortes, de paysages, de corps dans la nature, de sujets environnementaux et la présence toujours forte du noir et blanc.
Pour nous la photographie est une écriture du monde, mais pas l’enregistrement anecdotique de celui-ci. Notre choix s’est appliqué à retenir les candidats qui ne cèdent pas à la tentation de l'imagerie et qui proposent de réels enjeux photographiques, autant dans l’engagement et la réflexion des sujets abordés que dans la qualité des écritures conceptuelles et plastiques.
À votre tour de découvrir cette sélection que l'on espère qualitative et roborative !"
Catherine Dérioz et Jacques Damez - Galerie Le Réverbère
2018 : Prix Levallois, 10 ans ! Une collection photographique
"Le Prix Levallois fête sa première décennie. Je me souviens très précisément de ma rencontre avec Paul Frèches, commissaire du Festival Photo Levallois. Je venais de lui proposer de reprendre la mission confiée à Mark Grosset, déjà très malade et qui devait décéder au mois d’août suivant. Paul m’expliqua que pour « booster » le Festival, il fallait créer un Prix. La vocation initiale du Festival étant de présenter de jeunes photographes émergents, c’est ainsi qu’est né le Prix Levallois ouvert à cette génération d’artistes, peu ou pas connus des grandes institutions culturelles, des collectionneurs et du grand public.
Ainsi, depuis dix ans, le Prix Levallois récompense des photographes de moins de 35 ans représentant une liberté de ton et une vraie diversité de cet art, la photographie contemporaine étant un immense laboratoire d’exploration et de créativité. Chaque année, quinze nominés sont sélectionnés par les directeurs artistiques. Leurs dossiers sont présentés et défendus en toute impartialité et bienveillance devant un jury afin d’élire le lauréat du Prix Levallois qui recevra une dotation de 10 000 euros, ainsi qu’une Mention Spéciale qui se verra offrir un boîtier numérique. Quant à tous les amateurs de photographie, ils ne sont pas en reste puisqu’ils peuvent choisir, en votant en ligne, pour leur photographe « coup de coeur », le plus plébiscité devenant alors le Prix du Public. Le Prix Levallois est un moment de découverte et une première reconnaissance pour les artistes. Nous misons sur le long terme.
C’est avec le recul que donnent le temps et la continuité que le Prix prend sa valeur et je me réjouis aujourd’hui de constater que le Prix Levallois est devenu une référence en matière de jeune création photographique internationale. Je remercie tous ceux qui ont partagé avec nous cette aventure : Paul Frèches, Fannie Escoulen, Catherine Dérioz et Jacques Damez de la galerie Le Réverbère qui ont repris le flambeau et ces milliers de jeunes photographes qui nous ont fait confiance. Enfin un merci tout spécial à l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie, à sa présidente, Delphine Ernotte, et à son directeur, Rémy Fenzy, pour leur accueil et leur soutien."
Stéphane Decreps - Adjoint au Maire délégué à la Culture de la Ville de Levallois
2018 : Préface de Jacques Damez
Prix Levallois, 10 ans ! Une collection photographique
"Il y a dix ans le Prix Levallois naissait dans la tête d’une poignée de personnes, qui par leur intérêt partagé ressentait l’impérieuse nécessité de créer un évènement pour promouvoir la photographie et ceux qui la produisent. Rappelons que le 22 mai 1902 naissait le Photo-Club de Levallois et qu’il existe toujours ! Cet ancrage historique a sans aucun doute favorisé un terreau culturel propice à la photographie. N’oublions pas également l’importance de l’école de photographie ICART et de son directeur Mark Grosset qui, avec Stéphane Decreps — l’adjoint à la Culture de la ville de Levallois — ont donné corps et âme à ce Prix.
Bien sûr comme toute aventure, celle-ci n’imaginait pas sa pérennité, elle pariait sur son avenir. Il fallait avant tout organiser et penser un cadre, conceptualiser les enjeux, définir les règles. C’est ainsi que tout a commencé.
Dès la première année, des photographies du lauréat intègrent les collections de la ville. Dix ans plus tard, un ensemble représentatif est là et dessine le profil de ce Prix. Il y a plusieurs périodes durant cette décennie, dues à deux personnalités différentes responsables de la direction artistique (Paul Frèches 2008-2014, Fannie Escoulen 2015-2017).
Cela souligne qu’une collection est toujours en mouvement, qu’elle n’est pas une simple chronologie, ni une thématique inerte, mais un processus traversé par des subjectivités qui se succèdent et l’enrichissent.
Sous le même mot sont traités plusieurs modèles qui pourtant n’ont souvent pas beaucoup de choses en commun. Les collections publiques, privées, d’entreprises n’ont de comparable que le fait de conserver un ensemble d’objets pour créer un corpus. Leur but, leur public, les pulsions qui les constituent peuvent être aux antipodes. Le fait que les collections publiques en France soient inaliénables change déjà absolument la donne en comparaison des autres collections.
D’autre part, on sait à quel point la reconnaissance d’une œuvre est de plus en plus due à la versatilité du marché. Faire collection est un vaste projet : par le regroupement d’œuvres, c’est le moyen de produire une pensée, de mettre en dialogue art et idéologie, individualité et mémoire collective ; d’interroger les frontières entre les classifications des genres et des supports.
Une bibliothèque, une discothèque, une vidéothèque sont des collections que chacun traite à l’aune de ses attentes et de ses méthodes de classement. Certains les classent par ordre alphabétique, d’autres par genre, d’autres par la couleur des tranches… Ces options en disent long sur ceux qui les prennent. Il en est de même pour les collections d’œuvres d’art, nous sommes devant des propositions de musée imaginaire qui nous informent autant sur ceux qui les créent que sur les œuvres qui les constituent. En tant que spectateur, il convient de cheminer avec lenteur et respect au cœur d’une collection. C’est une invitation très intime à partager une expérience de vie. Comprendre le murmure et la logique qui président à la collection sont les seuls moyens d’en juger. Ce ne sont pas la succession et la juxtaposition des signatures qui font la magie mais plutôt l’émerveillement de débobiner la pelote d’émotions qui a construit l’ensemble.
Pour la collection Levallois, il n’en va pas de même puisqu’elle n’est pas le fruit d’une seule pensée, ni celle d’un conservateur qui dans un temps long imprime une ligne. Il y a une place laissée au hasard et à ce qui advient. Des centaines de propositions de candidature, sous l’œil attentif d’une direction artistique (régulièrement renouvelée), sont étudiées pour sélectionner quinze finalistes dont les dossiers sont soumis à un jury indépendant (cinq personnalités dont quatre du monde la photographie choisies chaque année par la direction artistique et l’adjoint à la Culture de la ville de Levallois).
De là, un lauréat est désigné et deux ou trois de ses photographies rejoignent la collection.
C’est donc la juxtaposition de décisions artistiques collégiales. Nous sommes devant une collection qui nous donne à voir les émergences générationnelles, celles de la production de jeunes photographes — puisque le prix est réservé aux moins de trente-cinq ans — et celle des sélectionneurs qui se succèdent.
Sans aucun doute il y a là un champ historique et sociologique fascinant, puisqu’il concerne la mise en mémoire, au fil des années, des tendances de la jeune génération de photographes internationaux, choisie par son milieu.
C’est une succession de sujets, de choix esthétiques, de techniques qui marquent leur temps. C’est un document qui, par son mode constitutif, dépose les traces de ce qui le constitue. Cette collection ne représente aucun mot d’ordre, aucun parti pris de chapelle, au fil des équipes qui la pilotent, elle balise un air du temps.
Sa cohérence n’est pas à chercher dans l’évidence d’une ligne sans faille qui en donnerait le cap, c’est une cueillette au gré des tendances, des époques et de ceux qui la vivent. En cela elle peut déconcerter, nous sommes dans un pays cartésien qui aime les règles, et là il n’y en a pas d’apparentes.
Soulignons que depuis quelques années les questions de la collection s’ouvrent. De plus en plus, les musées acquièrent des photographies vernaculaires, celles qui jusque-là n’avaient pas le droit de cité.
L’art dit brut côtoie l’art le plus sophistiqué, le mélange des médiums et des genres s’empare des lieux d’expositions, les arts visuels s’associent aux arts du spectacle pour produire de nouvelles formes. Ce qui fut l’évidence se dissipe et laisse place à d’autres champs d’analyse ; les dialogues plastiques, conceptuels, politiques créent des chimères qu’il faut conserver et penser à partir de nouveaux modèles.
Les prix photographiques, comme le Prix Levallois participent à la formation de cette nébuleuse.
Bien sûr dix ans est un début — début remarquable car il faut les tenir ! — mais il reste que c’est encore jeune. Il faut parier sur une réelle longévité pour imaginer les cinquante ans du prix et aux cours des cinq tomes, ponctuant les décennies, observer les partis pris de chaque génération qui prend à bras le corps son temps. Ce premier recul est l’amorce du principe qui permettra d’avoir en images le déroulé et les mutations du traitement des sujets et du monde par la pensée qui traverse chaque décennie.
Il est vraisemblable que dès lors des pans oubliés de la photographie trouveraient une place, la leur, ni plus, ni moins, à l’exemple de la photographie vernaculaire aujourd’hui dans les musées. Pensons à la diversité du traitement et à la place de la photographie de mariage dans le monde, la photographie médicale et scientifique, la photographie technique, culinaire, de familles… Ces photographies actuellement sur le banc de touche des expositions, ne le resteront peut-être pas à l’infini. Les verrons-nous émerger grâce à ces nouveaux modes de sélection qui caractérisent les Prix ?
C’est un défi, il est bon de rêver."
Jacques Damez - Galerie Le Réverbère
Vue d'accrochage Prix Levallois, 10 ans ! Une collection photographique ©Galerie Le Réverbère
12 Photographes / Lauréats Prix Levallois
Marvi Lacar (2008), Shira Igell (2009), Virginie Terrasse (2010), Alexander Gronsky (2011), Sophie Jung (2012), Max Pinckers (2013), Esther Teichmann (2014), Tom Callemin (2015), Vasantha Yogananthan (2016), Bieke Depoorter (2017), Pierre-Elie de Pibrac (2018), et Sara Imloul (2019).
Du 1er au 7 juillet 2019
à l'ENSP - École Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles, galerie du haut, 16 rue des Arènes, Arles